Chronographe à rattrapante : par souci de précision
La fonction de rattrapante a été initialement conçue par les horlogers afin de permettre de mesurer des temps intermédiaires lors d’un chronométrage ou pour afficher deux informations temporelles ayant le même départ mais pas la même fin. Pareille merveille de micromécanique méritait bien un petit arrêt sur image…
Les instruments capables de mesurer des fractions de temps ont été initialement inventés au début du XVIIIème siècle pour répondre aux besoins des scientifiques de calculer des durées. Différents auteurs bataillent pour faire reconnaître tel ou tel inventeur pour le chronographe.
Aux sources du chronométrage
Certains disent qu’il aurait été inventé par l’horloger et astronome anglais George Graham au milieu du Siècle des Lumières, d’autres évoquent l’horloger genevois Jean-Moïse Pouzait qui, en 1776 aurait mis au point un outil mécanique capable de mesurer des fractions de temps. Quelques adeptes parlent de Louis Moinet et de son compteur de tierce comme le chaînon manquant. Enfin, tous s’accordent à reconnaître à l’horloger français Nicolas-Matthieu Rieussec d’avoir créé en 1822 le premier outil de mesure du temps capable, étymologiquement, d’écrire ce dernier. Ces machines parfois éloignées des montres devaient servir aux scientifiques pour mesurer la course des étoiles ou différents événements, mais pouvaient être également utilisées par des éleveurs de chevaux ou même les parieurs bien décidés à évaluer les performances des animaux destinés à participer à des courses primées.
Les prémices de la rattrapante
Seulement, à peine le premier instrument construit à qui on doit le nom de chronographe, se posait la question de pouvoir mesurer des temps intermédiaires à partir d’une mesure principale. Assurément, l’invention de la fonction de rattrapante était dans l’air de son temps. En 1828, Louis-Frédéric Perrelet déposait un brevet de seconde à rattrapante et en 1831 à son tour l’horloger Joseph Thaddäus Winnerl. Cette année là, il concevait une montre de poche dotée d’une seconde indépendante du mouvement qui pouvait être arrêtée à volonté. Puis sept ans plus tard, il mettait au point un dispositif faisant appel à deux aiguilles de secondes, la première servant à indiquer le départ d’une mesure et l’autre la fin. Le principe de rattrapante était né.
Rattrapante cherche inventeur
Après 1862, date de la généralisation rapide des chronographes suite au dépôt de brevets de mécanismes de remise à zéro des aiguilles fiables et simples à fabriquer, pouvait être réfléchi le développement de systèmes permettant d’effectuer des mesures de temps intermédiaires mais aussi capables à partir d’un même instrument, de mesurer les temps de deux événements ayant le même départ mais pas la même fin. On retiendra que les premiers exemplaires de chronographes à rattrapante remontent aux années 1880. Faute de recherches approfondies, il est impossible d’attribuer à ce jour son invention sous sa forme contemporaine à un horloger en particulier. On retiendra tout de même que cette complication additionnelle à celle de chronographe a trouvé un emploi immédiat dans l’univers sportif et dans l’industrie.
Mode de fonctionnent de la rattrapante
Dès 1890 – 1900 de nombreuses marques spécialisées ont proposé des compteurs de sport intégrant cette complication. Fascinante de technicité et fort utile, la rattrapante est un mécanisme intégré à un calibre de chronographe. Il comprend une pince à ressorts commandée par une roue à colonne actionnée par un bouton spécifique.
Pour le faire fonctionner, il faut tout d’abord lancer un chronométrage dont l’effet est de libérer les deux aiguilles superposées. Pour pouvoir lire un temps intermédiaire, il suffit d’appuyer sur le bouton de ratttrapante. La pression exercée sur ce dernier actionne la roue à colonne qui vient libérer la pince de rattrapante. Dans l’instant ses mâchoires prennent en tenaille la roue finement dentée à laquelle l’aiguille de rattrapante est associée par son axe. Cette action a pour effet de la faire s’immobiliser tandis que la trotteuse de chronographe continue sa course.
Une nouvelle pression sur le poussoir de rattrapante et l’aiguille libérée de la pression de la pince, revient en une fraction de seconde à au dessus de la trotteuse de chronographe qu’elle soit en déplacement ou à l’arrêt si l’utilisateur a stoppé la mesure principale en pressant le poussoir d’arrêt du chronographe.
Cet enchaînement de séquences en apparence simple nécessite des usinages parfaits et un assemblage très soigné. En effet, il faut avoir à l’esprit que l’axe de la trotteuse de rattrapante passe sans la moindre friction dans celui de la trotteuse de chronographe dont le diamètre est de seulement quelques dixièmes de millimètres. Sur cet axe délicat est rivé la roue de rattrapante sur laquelle est monté un ressort qui presse un levier vissé librement sur la serge de ladite roue et portant à son autre extrémité un galet en rubis roulant sur la périphérie du cœur de rattrapante rivé dur sur l’axe de la trotteuse de chronographe qui lui-même est fixé à une roue sur laquelle est vissé un cœur de remise à zéro.
La rattrapante une complication subtile et rare en collection
On l’aura compris, la rareté de cette complication s’explique par la complexité de fabrication de pareil ensemble mécanique. Il faut imaginer la difficulté de percer l’axe de la trotteuse de chrono dont le diamètre est de quelques dixièmes de millimètres. Ensuite, il faut parvenir à assembler sur la roue libre de la rattrapante les éléments permettant le retour de l’aiguille de rattrapante dans l’axe de celle du chronographe et trouver le bon couple du ressort pour qu’il n’affecte pas la mesure de temps en raison d’une friction trop importante exercée sur le cœur permettant à l’ensemble de revenir à zéro. Enfin, il faut parvenir à faire fonctionner les deux mâchoires de la pince sans excès afin qu’elles n’endommagent pas la roue, mais suffisamment aussi afin que la roue ne continue pas de tourner.
Pareille construction délicate nécessite le recours à des mécaniciens, assembleurs et horlogers hautement qualifiés. Voilà pourquoi, longtemps, cette complication a été cantonnée aux compteurs de sports équipés de calibres de grande taille. Cela explique pourquoi le premier chronographe-bracelet à rattrapante à été fabriqué seulement en 1929 par la manufacture Patek Philippe.
Ensuite, quelques marques spécialisées dans la fabrication de calibres de chronographes comme Venus, Lémania ou Valjoux ont proposé à leur catalogue cette spécialité durant les décennies 1940-1950. Aujourd’hui, toujours très rare, cette complication additionnelle à celle de chronographe est proposée au compte goutte. Elle se retrouve dans différentes marques dont il n’est pas ici question d’établir une liste exhaustive. On retiendra juste qu’il est possible d’en trouver chez Patek Philippe, F.P Journe, A. Lange & Söhne, Breitling, IWC, Vacheron Constantin, Rado, Panerai et quelques autres encore.
On notera pour information et en guise de conclusion que, dans le courant des années 1950-1960, la marque Dubey & Schaldenbrand a sorti un chronographe équipé d’un mécanisme simplifié permettant de mesurer des temps intermédiaires sur une courte durée grâce à la mise en place entre les deux trotteuses de chronographe d’un spiral de montre. Original, l’instrument baptisé Spiral Rattrapante a connu un certain succès et est toujours aujourd’hui au catalogue de la maison.
On retiendra également que la manufacture Parmigiani Fleurier a lancé en 2022, la montre Tonda PF GMT Rattrapante Mono-Poussoir dont la fonction GMT est associée à une aiguille fonctionnant comme celle d’une rattrapante de chronographe et pouvant être rappelée pour recouvrir celle de home time, autrement dit celle indiquant l’heure du lieu de départ.
À lire aussi :