La mécanique mise à nue
Le travail d’ajourage des mouvements n’est en rien événement nouveau dans le métier. Il est apparu très tôt chez les penduliers pour faciliter l’entretien des instruments mais également pour réduire le coût de fabrication en réduisant la quantité de certains métaux rares à utiliser. Longtemps et jusqu’à l’invention de la platine « Lépine », le mode de construction des montres a réduit la possibilité de procéder à des découpages dans leur structure assez ouverte pour permettre à l’œil de pénétrer loin au cœur même de la mécanique. Pour autant, les artisans ont longtemps mis un point d’honneur à ajourer le coq destiné à protéger le balancier des agressions extérieures afin de rendre visible ses oscillations.
Les montres squelette : les origines d’une spécialité horlogère
Cette mode des découpages est finalement apparue dans le courant de la seconde moitié du XIXème siècle en particulier pour satisfaire le goût du marché chinois, alors émergeant. Nombre de ces montres de poche a été réalisé dans le Val-de-Travers, une petite vallée enclavée du Jura Suisse, et plus particulièrement au cœur du village de Fleurier qui s’en est fait une vraie spécialité.
A l’époque, les composants déjà usinés en petites séries étaient ensuite découpés à l’unité par des artisans spécialement formés à l’aide de petites scies « bocfil » puis retravaillés à la lime afin d’enlever le maximum de matière et ainsi laisser passer la lumière et le regard jusqu’au cœur du mouvement.
Les plus doués parvenaient à créer de véritables dentelles qui, à la façon de toiles d’araignées semblaient avoir capturé les rouages utiles au bon fonctionnement des mouvements. Et parce qu’il était utile alors de souligner le caractère artistique de l’objet, des graveurs venaient habiller les parties restées métalliques de rinceaux et de palmettes.
Ce type de valorisation de la mécanique horlogère a finalement assez peu évolué au fil des décennies et la façon de faire ces montres est pratiquement resté la même jusque dans les années 2000.
Donner une dynamique à la tradition
Avec le passage au troisième millénaire, certains designers et industriels se sont interrogés sur la nécessité de faire évoluer certains métiers d’art associés à l’horlogerie afin de projeter cette profession naturellement réactionnaire dans le futur. L’une des premières démarches stylistiques matérialisant cette révolution s’est incarnée dans la façon dont les designers ont revisité les découpages à pratiquer dans les parties fixes des mouvements.
Finies les rondeurs et les fines gravures. L’heure était alors aux grandes droites, aux arêtes prononcées et aux grandes ouvertures. Deux des marques pilotes dans cette discipline ont été Roger Dubuis et Piaget.
Elles ont été suivies par Cartier puis par toutes les autres sauf sans doute les plus classiques comme Jaeger-LeCoultre, Vacheron Constantin ou Patek Philippe.
En dehors de ces trois là et de quelques autres entités cultivant volontairement le passéisme, toutes comme Richard Mille, Chanel, Hublot, Bvlgari, Ulysse Nardin, Girard-Perregaux, Pequignet Manufacture et bien d’autres dont Michel Herbelin ont expérimenté l’ajourage contemporain avec un tel succès que les découpages sont devenus comme un élément de décor, presque une signature des montres de fine et de haute horlogerie.
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