Caviar et l’art de déguster
Indissociable des repas de réveillons, le caviar reste au sommet des mets de luxe les plus rares et les plus prisés. A produit d'exception, sélection et dégustation d'exception. Voici quelques conseils pour savourer l'or noir en véritable connaisseur.
Si le caviar est aujourd’hui la star des grandes tables, les palais qui savent en apprécier toutes les subtilités gustatives ne sont pourtant pas légion et l’Histoire est truffée d’anecdotes qui rappellent qu’avant d’accéder au statut de produit d’exception, ces petits œufs noirs et luisants d’esturgeons en ont déconcerté plus d’un. A commencer par Louis XV, qui aurait recraché la cuillère de caviar offerte par l’ambassadeur du Tsar de Russie en 1723. De quoi provoquer un incident diplomatique…
Plus proche de nous, Proust, de toute évidence, ne l’aimait pas non plus : « De l’autre côté de mon assiette il y en avait une plus petite remplie d’une matière noirâtre que je ne savais pas être du caviar. J’étais ignorant de ce qu’il faillait en faire, mais résolu à n’en pas manger. « (À l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919). Cette matière noirâtre comme la décrit l’auteur dans son roman sera pourtant plébiscitée dans le monde entier et qualifiée d’or noir ou de perle noire. Assurément particulier, son goût est à la fois puissant et délicat , son prix, lui, atteint des sommets.
Une espèce protégée
Parce que c’est un met rare, il s’agit de sélectionner le caviar avec le plus grand soin. Nombreux sont les critères qui entrent en jeu pour déterminer les meilleurs d’entre eux : provenance, élevage, production, conservation…
Une première distinction s’impose entre caviar sauvage et caviar d’élevage. L’esturgeon a été victime de la pêche intensive qui a réduit durablement les différentes populations constituant son espèce. Il fait aujourd’hui partie des espèces protégées et n’existe plus que dans la mer Caspienne, la mer d’Azov, la mer Noire et le fleuve Amour. Sa pêche est extrêmement réglementée, notamment par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) et depuis 2006, seul le caviar issu d’esturgeons d’élevage est autorisé à la commercialisation. Ce qui vous permettra, déjà, de savoir qu’une boîte marquée « caviar sauvage » provient forcément de la contrebande.
Caviar : plus qu’un nom, une appellation, un savoir-faire
N’est pas caviar qui veut. Il s’agit d’une appellation très réglementée. Inutile de faire passer les œufs de lump ou d’escargots pour du caviar. Le seul met qui peut adopter une telle dénomination est le caviar…d’aubergine !
Pendant de longues années, le caviar d’élevage a souffert d’une qualité nettement moindre que le caviar sauvage, en grande partie dû à la fragilité des poissons. Mais aujourd’hui, le professionnalisme des pisciculteurs a atteint un tel degré de connaissance et de perfection que le caviar d’élevage est aussi bon que le sauvage. De plus, il faut savoir que la France est l’un des plus grands producteurs de caviar au monde. Avec des esturgeons élevés dans le plus grand respect des normes environnementales et animales, le pays produit un caviar français d’une extrêmement bonne qualité.
Mais l’élevage des poissons est toujours un véritable défi ! Les pisciculteurs sont obligés d’attendre plus de dix ans avant d’obtenir du caviar : les femelles doivent avoir au minimum 7 ans pour produire des œufs et certaines n’en font que bien plus tard…
La qualité de l’eau est, bien sûr, un autre élément primordial. Poisson d’eau douce, l’esturgeon est très sensible à la pureté et l’oxygénation, surtout dans les quelques jours précédant la récolte des œufs, afin que ces derniers ne prennent pas un goût de terre ou de vase.
Les autres défis, et non des moindres, sont ensuite d’ordre technique. Une échographie de l’esturgeon permet de connaître le sexe (seules les femelles sont gardées) puis une seconde échographie, bien plus tard, permet de déterminer si les œufs sont présents. Quand c’est le cas, le poisson est ouvert à la main et les œufs délicatement retirés puis déposés dans un récipient après être passés à travers un tamis. S’ensuit alors le salage de conservation, étape cruciale qui varie selon la grosseur du caviar. Si le salage est trop fort, le caviar se dessèche ; s’il est trop faible, il se détériore rapidement. Puis vient le séchage : c’est ce qui rend le caviar moelleux, c’est-à-dire ni trop collant, ni trop sec. Les boîtes sont ensuite remplies et mises sous pression afin d’expulser un excédent de liquide et les bulles d’air. Là commence enfin le travail d’affinage, dernière étape de la production. On comprend désormais le prix de ces perles noires…
De l’art de bien choisir le caviar
Si chaque grain est une explosion de saveur quand on le fait éclater sous le palais, il existe différentes nuances selon les espèces d’esturgeons. Et le choix se fera autant en fonction du goût en bouche que de la taille des grains et de leur couleur. Les principaux esturgeons à caviar sont le Beluga, l’Osciètre, le Baeri et le Sevruga. Chacun a ses particularités visuelles et gustatives.
Le Beluga (Huso huso) est l’un des plus gros poissons du monde : il peut atteindre jusqu’à 6 mètres de longueur pour 1 000 kilos ! C’est l’espèce la plus rare, donc la plus précieuse et donc…la plus chère. Ses grains sont les plus gros, variant du gris clair au gris foncé. Leur membrane est très fine et fragile, mais les œufs sont fermes, ce qui en fait l’un des caviars les plus moelleux.
L’Osciètre, aussi connu sous le nom d’Ossetra ou d’esturgeon russe, produit des œufs de petite taille, fermes et dorés. La particularité est sa délicate saveur de noisettes.
Le Baeri est l’espèce la plus répandue en Europe. En France, elle est à l’origine du caviar d’Aquitaine. Ses grains, à la texture délicate et à la couleur bordeaux sombre, se détachent facilement. Leur goût frais et fruité, discrètement iodé, est très apprécié.
Le Sevruga, communément appelé esturgeon étoilé, produit un caviar que l’on a longtemps considéré comme peu onéreux en raison de la petitesse de ses grains. Et pourtant, les œufs de Sevruga sont extrêmement délicats et particulièrement savoureux. D’une couleur gris foncé quasiment noire, ils offrent une saveur fine et iodée qui en fait le caviar le plus proche du caviar sauvage.
De l’art de déguster le caviar…à la petite cuillère
Quant aux quantités, elles varient selon les occasions et sachez que le caviar se sert à la petite cuillère ! Une portion de 10 grammes sera parfaite pour une découverte, 20 à 30 grammes constitueront une dégustation de qualité et 50 grammes une portion vraiment généreuse. Entre l’achat et la dégustation, la conservation adéquate est essentielle. Le caviar se conserve au frais, entre – 2° et + 2°C, pour éviter que les œufs ne deviennent trop luisants, qu’ils durcissent ou ne se collent les uns aux autres. Il est recommandé de le sortir plusieurs minutes avant de le service, afin qu’il retrouve une température optimale aux environs de 8°C. Il génère ainsi à merveille toute sa saveur fraîche et salée.
Suit le service, un instant crucial avant toute dégustation, que l’on soit un grand restaurateur ou un simple hôte recevant des amis à dîner. L’idéal pour le caviar est de le servir dans un service en nacre : c’est un matériau noble qui sublimera l’or noir sans en altérer le goût. C’est d’ailleurs pour cela qu’il faut éviter à tout prix l’argent et l’inox qui donnent un goût de métal. Si les services en nacre ne sont pas disponibles dans vos placards, privilégiez dans ce cas le verre, le cristal ou encore la porcelaine.
Vient enfin le grand moment de la dégustation. A chacun sa façon de savourer les perles noires. Mais encore faut-il savoir que ce met d’exception, sans prôner le cérémonial protocolaire, mérite bien toutes les attentions. De nombreux chefs et illustres cuisiniers se sont d’ailleurs penchés sur la grande question de l’accompagnement. Réponse la plus donnée : le caviar se déguste au naturel, à la petite cuillère. Les délicats petits grains roulent en douceur sous le palais, jusqu’à ce qu’ils éclatent et libèrent un liquide frais et salé. L’étrange sensation tient pour beaucoup dans la richesse et l’estimation de ce produit.
Autre façon de déguster l’or noir : sur des toasts chauds ou des blinis avec, pourquoi pas, un peu de crème fraîche étalée soigneusement pour les accueillir en douceur et contrebalancer leur puissance gustative.
En revanche, conseil des grands chefs : il ne faut surtout pas l’assaisonner de citron car l’acide en oxyderait les grains et modifierait le goût. Le caviar est décidement un met bien précieux dont il faut prendre grand soin.
Quant à la boisson, la tradition voudrait que le caviar se déguste avec un verre de vodka glacée, la célèbre boisson russe purifiant le palais pour sentir avec acuité toute la saveur des grains. Mais à moins de limiter cet exercice à une seule dégustation – ou d’être insensible aux alcools forts – il vaut mieux opter pour des boissons tout aussi savoureuses mais plus légères, comme une coupe de champagne ou un verre de vin blanc assez sec.
Où acheter et savourer les meilleurs caviars à Paris ?
Mais concrètement, vers quelle maison se tourner pour obtenir un caviar de qualité afin de célébrer la fin d’année en grande pompe ? De nombreuses enseignes françaises retiennent tout particulièrement l’attention. En tête desquelles, la maison Petrossian, entreprise française crée en 1920 qui aussi l’une des principales productrices d’un caviar de grande qualité. L’excellence et l’assurance d’avoir un caviar d’une qualité irréprochable distinguent aussi le Café Prunier, la Maison du Caviar, Caviar de Neuvic, Caviar Kaspia,Caviard’Aquitaine, Kaviari, Fauchon, Caviar de France, La Maison Nordique… Toutes ces marques ont des boutiques à Paris et dans certaines grandes villes. Elles possèdent également des sites de vente en ligne où il est possible d’acheter différentes variétés de caviars, ainsi que les produits d’épicerie fine pour les accompagner.
Généralement, les boîtes proposées vont de 30 g à 1 kg, pour des prix qui varient entre 60 € et 12 800 €… Certaines maisons proposant même des coffrets dégustation (avec blinis, vodkas…) ou des accessoires (cuillères en nacre) pour savourer au mieux le caviar.
Pour les professionnels, les amateurs, les délicats ou tout simplement les curieux, il est possible de faire des dégustations de caviars. Quatre restaurants parisiens d’excellence proposent une expérience inoubliable pour découvrir ou redécouvrir l’or noir.
Kaspia, une adresse d’exception
Maison fondée en 1927, elle possède un bar aux Galeries Lafayette où il est possible de déguster du caviar et surtout de passer un moment d’exception avec une coupe de champagne et du caviar impérial Baeri (10 g) pour 39 €. Pour les plus gourmands, un détour par le restaurant à la Madeleine s’impose. S’y déclinent des caviars de toutes variétés, ainsi que l’incroyable menu Raspoutine à 84 € qui comprend du saumon fumé norvégien, 20 g de caviar impérial Baeri accompagné des pommes de terre au four. Ce remarquable restaurant aux nappes bleues et aux rideaux à carreaux est un haut lieu de la gastronomie française, à ne pas manquer.
Petrossian, le lieu mythique des grands amateurs de caviar
Chez Petrossian, le menu est en deux temps dans le restaurant du 13 boulevard de la Tour-Maubourg qui est situé presqu’en face de la boutique historique établie quant à elle au 18 et qui propose aussi de déguster ses produits sur place. Au restaurant, les grand amateurs de caviars peuvent affiner l’expérience en commençant par savourer une sélection de caviars de la Maison avant de choisir le menu du jour. Une grande majorité des plats est agrémentée et relevée par une délicate touche de caviar. À l’instar d’un suprême de volaille iodé de caviar maturé et artichauts ou encore d’un Mille-feuilles de pommes de terre au caviar Ossetra.
Pour les puristes, les œufs se dégustent également au naturel, du côté du bar, avec les conseils experts des « caviarologues ». Ce restaurant, à la belle décoration en bois style coque de bateau est un lieu luxueux de spécialités russes qu’on découvre et redécouvre sans se lasser.
Kaviari, le caviar à la française
Cette maison est une référence dans le monde du caviar et de la haute gastronomie française. Si elle ne possède pas de restaurant à proprement parler, la manufacture, la boutique-frigo (où l’on peut venir se ravitailler) ainsi que les ateliers sont ouverts au public. Il est alors possible de prendre des cours sur le caviar, des leçons de cuisine ou même de rencontrer des cuisiniers étoilés. N’oublions pas que Kaviari fournit de nombreux chefs comme Alain Ducasse, Mathieu Pacaud ou encore Éric Pras. Les ateliers sont au nombre de 3 : une initiation, une « trilogie » pour approfondir ou encore un Master avec dégustation. De quoi ravir amateurs comme professionnels.
Prunier, une véritable institution à Paris
La Maison est surtout connue pour son restaurant dans le 16e arrondissement de Paris, à la superbe devanture bleue aux motifs art déco. Fondé par Alfred Prunier en 1924, l’établissement présentait déjà une telle qualité qu’il a rapidement attiré une riche clientèle. Ici, une cuisine qui mêle traditionnel et contemporain met le caviar et les fruits de mer à l’honneur. La maison familiale Prunier a été l’une des premières françaises à élever des esturgeons, devenant ainsi précurseur de la production de caviar dans l’Hexagone. Ce restaurant présente aussi l’une des plus belles cartes de poissons de Paris.