Meursault 2019 Domaine Armand Heitz
Il est toujours facile de parler des vins faits par des amis, enfin lorsqu’ils sont bons. Je ne suis pas objectif me rétorquerez-vous, à juste titre. Mais être subjectif, c’est aussi parler avec son cœur, de ce qui nous fait vibrer et ce, avec passion. Allez, direction Chassagne-Montrachet, dans la côte de Beaune en Bourgogne.
Armand Heitz, vigneron singulier
La Bourgogne est sûrement l’une des régions vinicoles les plus spéculatives du monde. Les vins produits sont de petites quantités, la demande est très forte et les prix, inexorablement, suivent cette demande à la hausse. Difficile dans ce cas de véritablement savoir vers quel vigneron notre choix va se porter, sur telle ou telle appellation. C’est donc ici que nous, presse, jouons notre rôle.
J’ai rencontré Armand Heitz en 2017, fraîchement installé à Chassagne-Montrachet depuis 4 ans. Nous sommes globalement de la même génération, même s’il est un peu plus âgé que moi. De suite, nous avons accroché tous les deux et nos curiosités respectives ont entraîné des discussions passionnantes, avec en plus un attrait commun pour la musique classique.
Première « anomalie » bourguignonne, ses parents n’étaient pas vignerons. Ah, bien étrange. Mais, propriétaires de vignes familiales. Ouf, l’église est à nouveau au centre du village. En fait, du côté maternel d’Armand, sa grand-mère avait réussi à faire garder quelques hectares de vignes, héritage d’un très grand patrimoine viticole dilapidé malheureusement au cours des guerres et des déboires familiaux.
Après ses diplômes d’œnologue, il réussit à convaincre sa famille de rompre les fermages afin qu’il puisse recréer un domaine portant le blason familial. Premières parcelles et vinifications en 2013, puis un agrandissement progressif au gré des opportunités.
Armand Heitz, poli mais pas lisse
Armand Heitz est un vigneron penseur. Constamment dans la recherche philosophique de ce que doit être son rôle. Il débuta directement en biodynamie. Non convaincu, quelques années plus tard il s’en détourne pour aller vers une démarche globale d’agroforesterie.
Personnage haut en couleur, il n’hésite pas à remettre en question la présence même des cépages historiques de Bourgogne, en plantant notamment une parcelle de Sauvignon dans la plaine à côté de Meursault. Cette cuvée, nouvellement sortie se nomme « Parcelle Interdite », les autorités ayant voulu la lui faire arracher. Contre la presse aussi, Armand a le verbe haut, et n’hésite pas à ruer dans les brancards. Dans un monde parfois trop polissé, je ne vous cacherai pas que cela est loin de me déplaire. Les débats sont toujours possibles avec lui et surtout … Les vins sont bons.
Meursault, un nom, mais pas seulement
Avec le vin d’aujourd’hui, nous partons à Meursault, sûrement le village le plus célèbre du monde pour ses vins blancs. Et pas seulement grâce au film « La grande vadrouille ».
Ce village est l’archétype de la Bourgogne et de ses blancs, un peu comme Vosne-Romanée le serait pour les rouges. Pourtant, pour l’anecdote et la petite phrase à sortir en dîner, Meursault ne produit pas que des blancs. En effet, une petite surface est plantée en rouge, environ 3%. À noter aussi que Meursault ne contient pas de Grand Cru sur son aire d’appellation !
Charmant petit bourg avec de petites maisons vigneronnes côtoyant de belles demeures bourgeoises, le sol de Meursault est fait du fameux calcaire que l’on a en Côte de Nuits réapparaissant ici. Le village est très bien exposé, ce qui permet aux vins d’avoir un profil aromatique bien typique : une bouche avec une grosse matière, mais avec toujours une trame acide lui conférant un très grand potentiel de garde.
Meursault 2019, Armand Heitz
2019 fut un millésime chaud et globalement très beau en Bourgogne. Ne dérogeant pas à la règle, dès le vin dans le verre, le nez de fruits bien mûrs ainsi que des notes beurrées nous confortent sur Meursault, nous y sommes bien. L’amande est aussi très présente ainsi qu’à l’aération, des notes délicates de chèvrefeuille. La bouche est dans un style résolument moderne, avec une trame acide plus présente que dans la majorité des vins de l’appellation. Armand Heitz aime ses profils ciselés et cela se ressent, loin de nous cet aspect parfois pataud des vins, mais il est bon de l’avoir en tête pour ceux qui attendraient des profils un peu plus « à l’ancienne ». La bouche est ample, avec des arômes de fruits à chair blanche, de pêche de vigne, de poire cuite, de citron avec une finale sur des notes herbacées très séduisantes. Le vin se montre très complexe pour seulement une appellation village, c’est véritablement très joli.
Vin de gastronomie, vous pourriez imaginer tout à fait des langoustines, gambas ou homards à la plancha (en sauce aussi, mais l’été arrive !) ou encore un plateau de fromages.
Régalez-vous !
N’oubliez-pas, si vous passez en Bourgogne, de vous arrêter chez Armand Heitz. L’un des rares vignerons encore en Bourgogne (bien que cela augmente heureusement) à bien vouloir vous accueillir. Ne manquez pas de visiter sa ferme Loaris. Il a décidé de donner une logique globale à sa démarche en produisant aussi du maraîchage ainsi que de la viande bovine – et de passer une nuit au château, avec les chambres accueillantes et la Bourgogne comme on l’aime !
Meursault 2019, Armand Heitz – Prix : 58 euros.
100% Chardonnay – 20% de Fûts neufs – 12mg/L de SO2 – 3924 bouteilles produites.
Pour le logement au Château d’Armand Heitz – à partir de 70 euros la nuit.
Vous pouvez suivre les pérégrinations viticoles de Valentin tout au long de l’année sur sa page instagram @Winepoetry_
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