Retour sur le SIHH 2017 (Part II) : innovations et grandes complications ont aussi fait le buzz à Genève
Au côté des icônes (lire Part I), les grandes maisons tout comme les horlogers indépendants ont marqué – avec l¹art et la matière – cette 27è édition du SIHH, pour apporter un vrai souffle de renouveau bienvenu et illustrer une maîtrise totale des savoir-faire traditionnels, les deux étant pas incompatibles, loin de là. Focus !
Le renouveau, c’est le matériau !
» La technologie permet une nouvelle esthétique » clamait-on haut et fort chez HYT au Carré des Horlogers. Pour la jeune marque, il est vrai que l’affichage de l’heure au moyen de fluides emprisonnés dans un tube, à l’image de la nouvelle Skull Pocket, ouvre les portes d’une créativité débridée. Autre exemple, chez MB&F, avec l’intrigante et captivante Horological Machine n°7 qui séduit au premier coup d’œil par sa forme globuleuse inspirée d’une méduse. Mais aussi par l’origine de la luminescence de ses attributs. Max Büsser et ses » friends » ont ici utilisé de l’AGT Ultra, issue d’un bloc de matière comprimée dont le pouvoir luminescent augmente selon l’épaisseur. Voici des modèles, parmi tant d’autres indépendants, qui détonnent dans l’univers horloger où les grands noms semblent bien sages. Quelques-uns pourtant font figure d’exception en misant sur l’innovation et l’atypisme.
C’est bien sûr le cas de Richard Mille, dont l’ADN est depuis toujours le mariage de la haute horlogerie et des matériaux high-tech. Sa nouvelle RM 50-03 McLaren F1 en Graph TPT (graphène et carbone TPT) est tout simplement exceptionnelle. Le poids de ce Tourbillon Chronographe à rattrapante ? 40 grammes seulement – un record mondial pour ce type d’instrument ! Pour vous faire une idée plus précise, posez 9 feuilles format A4 dans la paume de la main. Voilà, vous y êtes !
Roger Dubuis a, de son côté, misé sur les propriétés du MicroMelt. Utilisé dans l’aéronautique et la conception des supercars, cet alliage chrome-cobalt est 100 % biocompatible, hautement résistant à la corrosion et incroyablement durable. La manufacture a aussi repoussé les limites d’utilisation de la fibre de carbone en horlogerie avec la Spider Excalibur Carbon, équipée d’un boîtier – et d’un mouvement en carbone. Soulignons ici que le calibre squeletté à tourbillon volant ne pèse que 7,52 grammes.
Ainsi, l’utilisation de nouvelles matières n¹est pas le propre des jeunes marques horlogères indépendantes. Et Panerai l’a confirmé avec maestria. La maison a en effet captivé l’auditoire avec deux étonnants garde-temps. La Luminor LAB-ID préfigure certainement l’avenir de la marque italienne. Sa boîte en CarboTech abrite en effet un mouvement dont les composants sont presque tous usinés en carbone. Résultat ? Le calibre ne nécessite aucune lubrification. Cette prouesse permet ainsi à Panerai de garantir sa montre 50 ans. Une première mondiale ! Pour le modèle de plongée Submersible BMG-Tech, la maison a utilisé un matériau révolutionnaire. Il s’agit d’un verre métallique breveté, alliage composé de nickel, de titane, d’aluminium, de cuivre et de zirconium, plus léger et solide que l’acier. Le BMG-Tech est aussi hautement résistant aux chocs, à la corrosion, aux champs magnétiques et son éclat ne vieillit pas dans le temps.
Dans un tout autre registre, la maison Baume & Mercier s’est intéressée aux nouvelles techniques de tannage afin de présenter d’étonnantes versions très colorées de sa petite montre Promesse, habillée de bracelets double tour en truite !
Cependant, dans cette course effrénée à l’innovation par les matériaux, certains jugeront peut-être que les limites de l’exercice ont été atteintes avec la première montre en fromage réalisée par Moser. Véritable pied de nez, elle est dotée d’une boîte en résine et paillettes de Vacherin suisse véritable. Cette montre de bon goût (?) a participé au débat sur le Swiss Made qui a animé l’actualité horlogère en début d’année.
Les grandes complications émerveillent encore
La haute horlogerie est un territoire où s’exprime avant tout la perfection du savoir-faire des maîtres horlogers qui s’appuient sur une tradition manuelle ancestrale d’assemblage, de finitions et de décorations.Vacheron Constantin, tout comme Greubel Forsey, qui ont présenté leur première montre-bracelet à grande sonnerie, en respectent à la lettre les règles et usages. Un domaine où la manufacture Cartier s¹est aussi illustrée avec une pièce à double tourbillon mystérieux et répétition minutes. A l’occasion de son retour au SIHH, Girard-Perregaux souhaitait marqué les esprits. C’est chose faite en associant avec brio tradition et atypisme. Tout en volume, la montre Tri-Axial Planetarium est équipée d’un tourbillon évoluant sur trois axes et d¹un globe terrestre rotatif du plus bel effet.
Le squelettage est également un domaine d’expertise appartenant au sérail de la haute horlogerie, dans lequel les marques imaginent des mouvements dont les composants sont ajourés, ciselés à tel point qu’ils défient les lois de la physique et de l’équilibre. Roger Dubuis, ou encore Audemars Piguet et Cartier ont imaginé de véritables chefs d’œuvre en suspension, chacun dans son style propre. N’oublions pas non plus, l’ultra finesse horlogère, dont Piaget est la grande spécialiste. La manufacture, qui fête cette année le 60e anniversaire de son icône Altiplano, lui offre d’ailleurs, pour la première fois de son histoire, le pouvoir d’attraction visuelle d’un tourbillon volant. Sublime !
Impossible de finir avec ce tour d’horizon de l’édition 2017 du SIHH sans évoquer le remarquable travail effectué une fois de plus par A. Lange & Söhne qui a d’ailleurs été vivement applaudie à la fin de sa présentation. Il faut dire que la manufacture saxonne propose des garde-temps aux finitions exemplaires et aux mécanismes toujours aussi impressionnants. Pour s’en convaincre, il suffit de découvrir, par exemple, la Lange 1 Phases de Lune. Cette pièce dissimule sous sa sobriété esthétique un concentré de ce qui se fait de mieux en haute horlogerie contemporaine. Sans aucun doute, les horlogers Lange sont, avec ceux d’IWC, les dignes héritiers de la pensée chère à Léonard de Vinci : » La simplicité est la sophistication extrême » !
Qu’on se le dise, si la haute horlogerie n’est plus aussi flamboyante qu’hier, elle rayonne encore aujourd’hui et semble loin, très loin, de ne plus être en mesure de nous émerveiller. C’est bon signe !
Dan Diaconu et Nicolas Yvon