Zenith Defy Lab : le futur de l’horlogerie est déjà là
C’est à la présentation d’une véritable révolution que nous avons assistée jeudi 14 septembre 2017 au Locle en Suisse, chez Zenith. La manufacture avait en effet réuni la presse internationale pour dévoiler la montre Defy Lab, dont l’oscillateur totalement inédit ouvre une nouvelle ère en horlogerie mécanique.
Nicolas YVON
Avec la montre Defy Lab, Zenith vient, ni plus ni moins, de propulser l’horlogerie mécanique dans le futur. Son calibre automatique, baptisé ZO 342, est en effet équipé d’un organe réglant révolutionnaire qui a toutes les chances de renvoyer le régulateur à balancier-spiral à l’âge de pierre. Présent dans toutes les montres mécaniques traditionnelles, le dispositif que nous connaissons a certes été grandement amélioré au fil du temps mais n’avait jamais encore véritablement évolué (schéma mécanique identique) depuis sa création par Christian Huygens…en 1675. C’est chose faite avec le système breveté de Zenith, dont la mise au point et les concepteurs ont été encensés par Jean-Claude Biver, visionnaire Président de la Division Montres du groupe LVMH. Ce système, dont on peut observer les palpitations à travers le cadran ajouré en forme d’étoile à cinq branches (emblème de Zenith), ouvre un immense champ des possibles et n’est en fait qu’un premier pas dans l’univers de l’horlogerie de demain…
Zenith Defy Lab, quand les ingénieurs révolutionnent la mécanique horlogère
Il s’agit d’un mécanisme à mémoire de forme, flexible par endroits, découpé d’un seul tenant dans une plaque de silicium monocristallin (wafer). La technologie de pointe est la même que celle qui est utilisée pour les spiraux et autres pièces en silicium des mouvements; cependant la structure est infiniment plus complexe et impossible, en théorie, à reproduire. Fruit de trois ans de développement par les ingénieurs de l’Institut R&D de la Division Montres du groupe LVMH, cette invention majeure dans l’histoire de l’horlogerie révolutionne complètement le système de régulation des montres mécaniques. Plus simple à produire et à intégrer au calibre, cette pièce monolithique (pour comparaison, le balancier-spiral standard en compte une trentaine) est libérée des frictions, de points d’usure, ne demande donc aucune lubrification et bat au rythme de 108 000 alternances par heure, soit 15 Hz !
Associée à la construction spécifique et au matériau high-tech, la très haute fréquence de l’Oscillateur Zenith permet au calibre d’atteindre une précision chronométrique hors normes, inédite à ce jour pour une montre mécanique destinée à être produite en série : +/- 0,5 secondes/jour. Notons ici, que l’oscillateur peut même atteindre une précision de 0,3 secondes/jour dans l’absolu (système isolé, calibre non emboîté). Il s’agit d’une véritable prouesse quand on sait que l’écart de marche tolérée par le COSC (Contrôle Officiel Suisse des Chronomètres) est de – 4 / + 6 secondes/jour, et que les meilleurs calibres à balancier-spiral classique affichent une précision de +/- 2 secondes/jour.
Et cette prouesse est d’autant plus remarquable que le mouvement garde la même précision extrême sur la quasi-totalité de sa réserve de marche (95%) de 60 heures…pour l’instant. Nous avons appris en effet que ce n’était qu’un début, car des tests ont déjà été effectués en interne sur des durées (beaucoup) plus importantes, avec des barillets différents…
Si le concept est révolutionnaire, sa mise en application verra le rôle de l’horloger nettement diminuer. Celui-ci n’a plus que trois vis et trois petits ressorts d’ajustement pour installer et connecter l’innovation au mouvement, via une roue d’échappement en silicium, munie d’une dentelure spécifique. Si l’idée de base était la redéfinition totale d’un mécanisme éprouvé datant du 17ème siècle à travers le prisme de la simplification grâce à la science et aux nouvelles technologies, le dispositif de Zenith est néanmoins d’une rare complexité conceptuelle. En fait tous les éléments qui constituent un système à balancier-spiral normal sont réunis dans un seul ensemble. Ainsi, la forme de la pièce n’a rien d’un hasard ou d’une quelconque inspiration esthétique. On peut, par exemple, en deviner les zones très fines (plus fines qu’un cheveu) qui correspondent au ressort spiral, ou une autre dont le dessin rappelle l’ancre d’échappement.
Une révolution pour tous
Nul doute que ce système révolutionnaire, même si son coût reste aujourd’hui plus élevé – rappelons que nous n’en sommes qu’aux balbutiements -, est destiné à une production industrielle de pointe. Guy Semon, CEO du Science Institut LVMH, a d’ailleurs confié son espoir d’atteindre, in fine, un prix de fabrication équivalent à celui d’un organe réglant classique. Ainsi, pour cet oscillateur, les machines high-tech robotisées, supervisées par des ingénieurs en combinaisons hermétiques bleues, vont remplacer les horlogers en blouses blanches. Mais pas de panique, ces derniers auront toujours leur chasse gardée avec les montres de haute horlogerie dont la raison d’être est justement d’illustrer la perfection du geste manuel et des savoir-faire traditionnels.
Néanmoins, il semble bien que l’horlogerie vienne d’entrer dans une nouvelle ère…définitivement. Et les paroles de Jack Heuer, petit-fils du fondateur et Président d’honneur de TAG Heuer, présent lors de la conférence, vont dans ce sens. Pour lui, c’est simple, il ne s’agit que du début de la révolution pour le système Zenith, qui va se généraliser à toutes les montres mécaniques dans les années à venir. Tant et si bien, toujours selon lui, que le traditionnel balancier-spiral est voué à disparaître. L’avenir nous dira dans un premier temps si l’Oscillateur Zenith équipera les collections de la manufacture (même les chronos El Primero ?) et dans un deuxième temps, si les autres marques du groupe (TAG Heuer, Hublot…) l’adopteront…avant que les marques horlogères extérieures en bénéficient à leur tour. Patience, nous verrons.
Un surprenant boîtier signé Hublot pour la Zenith Defy Lab
La révolution mécanique de la Defy Lab a une telle portée pour l’avenir de l’horlogerie, qu’on en oublierait presque de s’intéresser au boîtier qui protège son mécanisme. Illustration de la synergie des manufactures du groupe, la montre est en effet habillée d’une boîte de 44 mm de diamètre, étanche jusqu’à 50 mètres, réalisée en Aeronith par les ingénieurs de la maison Hublot, dont la fusion des éléments écrit le code génétique depuis toujours. Ce matériau high-tech, pour lequel le département R&D de maison horlogère a déposé une demande de brevet, est constitué d’une mousse d’aluminium obtenue par fusion du métal, dont les pores ouverts sont ensuite injectés d’un polymère spécial pour rigidifier l’ensemble une fois refroidi. Particulièrement résistante à l’usure et à la corrosion, la matière hybride ainsi créée s’usine aussi facilement que les métaux précieux. Elle se distingue surtout par son aspect surprenant et sa très grande légèreté. Elle est 2,7 fois plus légère que le titane ou 10% plus légère que la céramique, pour vous donner une idée. Pour l’avoir passée au poignet, la Defy Lab est vraiment un poids plume.
Bien sûr, toutes les montres Zenith destinées plus tard à accueillir l’oscillateur n’auront pas de boîtier en Aeronith. Mais le lancement de la Defy Lab et de son mécanisme révolutionnaire se devait de prendre une dimension très exclusive pour écrire les premières lignes de son histoire.
En attendant la diffusion du système Zenith à d’autres modèles (en acier, en titane?), il n’existe ainsi aujourd’hui que 10 exemplaires uniques de la montre Defy Lab, (chacun est différent : bleu, noir, vert, brun…). Tous sont déjà vendus – les heureux acheteurs étaient d’ailleurs présents au lancement – et accompagnés chacun d’un coffret exceptionnel, incluant une visite de la manufacture fondée au Locle en 1865, en présence de Jean-Claude Biver, Guy Sémon et Julien Tornare, CEO de la marque, ainsi que d’une dégustation exceptionnelle d’une bouteille Château Yquem du 19ème siècle. Prix de l’exclusivité ? 29 900 francs suisses. Objectivement, ce montant n’est pas probant et il est certain que nous verrons le nouvel oscillateur régulé des montres beaucoup moins onéreuses. Tout est une question de temps mais tout peut aller très vite…
L’Histoire retiendra « seulement » que Zenith a ouvert, ce jeudi 14 septembre 2017, les portes de l’horlogerie du futur.
Nicolas YVON